L’utilité de l’intelligence artificielle dans la recherche pharmaceutique
- Tilo
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L'intelligence artificielle, nouvelle alliée de la recherche pharmaceutique
La recherche et le développement de nouveaux médicaments est un processus long, coûteux et complexe. Traditionnellement, il faut en moyenne 10 à 12 ans et plus de 2 milliards d’euros pour qu’un nouveau médicament soit prêt à être commercialisé. Cependant, l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) ouvre de nouvelles perspectives pour accélérer et optimiser ce processus. De la découverte de molécules à la réalisation d’essais cliniques, l’IA s’impose comme un outil prometteur pour révolutionner l’industrie pharmaceutique.
Un potentiel de transformation considérable
Selon les experts, l’utilisation de l’IA dans la recherche pharmaceutique pourrait permettre de réduire considérablement les délais et les coûts de développement des médicaments. Ashwini Ghogare, responsable de l’unité MilliporeSigma spécialisée dans l’IA et l’automatisation pour la découverte de médicaments, estime qu’on pourrait économiser jusqu’à 70% de temps et de coûts grâce à ces technologies.
Certains prédisent même que de nouveaux médicaments pourraient être mis sur le marché en seulement 3 ans, contre 10 à 12 actuellement. Les analystes de Morgan Stanley projettent que l’IA pourrait permettre d’obtenir 50 autorisations supplémentaires de nouveaux médicaments sur la prochaine décennie, représentant une opportunité de 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires additionnel pour l’industrie.
Les grands groupes pharmaceutiques s’engagent résolument dans cette voie. Sanofi affirme par exemple que certains processus de recherche pourraient être réduits de plusieurs semaines à quelques heures grâce à l’IA. Le groupe français a notamment développé sa propre plateforme logicielle centralisant toutes ses données internes, avec pour objectif affiché de devenir « la première entreprise pharmaceutique à miser sur l’intelligence artificielle à grande échelle ».
Les multiples applications de l'IA dans la R&D pharmaceutique
L’IA trouve des applications à toutes les étapes du processus de R&D :
1. Identification des cibles thérapeutiques
L’une des premières étapes cruciales est l’identification des molécules cibles, c’est-à-dire les points du corps où un principe actif peut influencer positivement l’évolution d’une maladie. Sanofi estime que ce processus pourrait être amélioré jusqu’à 30% grâce à l’IA.
Les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent analyser d’énormes quantités de données biologiques pour identifier de nouvelles cibles potentielles. Ils peuvent également prédire les interactions entre les molécules et les cibles, permettant de mieux comprendre les mécanismes d’action des médicaments.
2. Recherche et conception de molécules actives
Une fois les cibles identifiées, l’étape suivante consiste à trouver ou concevoir des molécules capables d’agir sur ces cibles. L’espace des molécules potentielles est immense : Daniel Kuhn, responsable IA chez Merck KGaA, évoque « 10 puissance 60 molécules qui, de par leurs propriétés, peuvent être une substance active ».
L’IA aide les chercheurs à naviguer dans cet océan de possibilités :
- Criblage virtuel : Les algorithmes peuvent rapidement scanner des bibliothèques de millions de composés pour identifier ceux ayant le plus de chances d’être efficaces contre une cible donnée.
- Conception de novo : L’IA générative peut proposer de nouvelles structures moléculaires optimisées pour certaines propriétés désirées.
- Prédiction des propriétés : Les modèles d’IA peuvent prédire les propriétés physicochimiques, la toxicité potentielle ou la biodisponibilité des molécules candidates, permettant de sélectionner les plus prometteuses.
Clara Christ, directrice du secteur Molecular Design chez Bayer, souligne que l’IA permet de tester plus rapidement les hypothèses thérapeutiques. Son équipe a récemment pu stopper prématurément le développement d’une molécule cible après avoir synthétisé seulement 20 molécules, là où des approches traditionnelles auraient nécessité au moins 5 fois plus de tests.
3. Optimisation des composés
Une fois les molécules prometteuses identifiées, l’IA peut aider à les optimiser pour améliorer leur efficacité, réduire leurs effets secondaires ou faciliter leur production. Les algorithmes peuvent suggérer des modifications structurelles et prédire leur impact sur les propriétés du composé.
4. Planification et analyse des essais cliniques
L’IA trouve également des applications majeures dans la phase des essais cliniques :
- Sélection des patients : Les algorithmes peuvent analyser de vastes ensembles de données médicales pour identifier les patients les plus susceptibles de répondre positivement à un traitement, optimisant ainsi le recrutement pour les essais.
- Conception des protocoles : L’IA peut aider à concevoir des protocoles d’essais plus efficaces, en prédisant les paramètres optimaux (dosage, durée, critères d’évaluation, etc.).
- Analyse des résultats : Les techniques d’apprentissage automatique permettent d’analyser rapidement les données issues des essais, identifiant des tendances ou des sous-groupes de patients répondeurs qui pourraient échapper à l’analyse humaine.
Bayer utilise par exemple l’IA depuis 2021 dans le cadre de l’étude de phase 3 sur l’Asundexian, un anticoagulant prometteur. Christoph Koenen, directeur du développement clinique chez Bayer, affirme que l’IA a permis de sélectionner les bons centres cliniques et d’inclure les patients les plus pertinents pour l’étude.
5. Pharmacovigilance et suivi post-commercialisation
Après la mise sur le marché d’un médicament, l’IA peut analyser en continu les données de pharmacovigilance pour détecter précocement d’éventuels effets secondaires rares ou inattendus.
Les promesses de l'IA générative
L’avènement récent des modèles d’IA générative, capables de créer du contenu original, ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche pharmaceutique. Ces modèles peuvent notamment :
- Générer de nouvelles structures moléculaires adaptées à des cibles spécifiques
- Proposer des hypothèses de mécanismes d’action pour des maladies complexes
- Suggérer de nouvelles indications thérapeutiques pour des molécules existantes
- Aider à la rédaction de protocoles d’essais cliniques ou de demandes d’autorisation réglementaire
Plusieurs startups se sont spécialisées dans l’utilisation de l’IA générative pour la découverte de médicaments, comme Insilico Medicine ou Exscientia. Ces entreprises ont déjà fait entrer en essais cliniques des molécules entièrement conçues par IA, marquant une étape importante dans l’évolution du secteur.
Un écosystème en pleine effervescence
L’essor de l’IA dans la recherche pharmaceutique a donné naissance à un écosystème dynamique de startups et de collaborations. Selon la société d’analyse Deep Pharma Intelligence, il existe désormais plus de 800 entreprises dans le monde proposant des solutions de développement de médicaments assisté par IA.
Les grands groupes pharmaceutiques multiplient les partenariats et les acquisitions pour renforcer leurs capacités en IA :
- Bayer collabore avec des entreprises de logiciels comme Schrödinger et Google Cloud pour accélérer ses calculs de chimie quantique. Le groupe a également noué un partenariat stratégique avec Recursion Pharmaceuticals et racheté Blackford Analysis, spécialiste de l’IA en radiologie.
- Merck travaille avec la société française Iktos pour la recherche de substances actives et utilise la plateforme d’IA générative d’Insilico Medicine.
- Sanofi a conclu plusieurs accords majeurs, notamment avec Exscientia, Atomwise et Insilico, pour des montants potentiels de plusieurs milliards de dollars.
Ces collaborations permettent aux grands groupes d’accéder rapidement à des technologies de pointe, tout en offrant aux startups les ressources et l’expertise nécessaires pour valider leurs approches.
Les défis à surmonter
Malgré son potentiel prometteur, l’utilisation de l’IA dans la recherche pharmaceutique fait face à plusieurs défis :
1. Qualité et disponibilité des données
L’efficacité des algorithmes d’IA dépend fortement de la qualité et de la quantité des données utilisées pour leur entraînement. Or, dans le domaine biomédical, les données sont souvent fragmentées, non structurées ou difficiles d’accès. Marcus Otte de Merck souligne que « l’IA n’est bonne que dans la mesure où les données dont on dispose pour la développer le sont ».
2. Interprétabilité et explicabilité
Les modèles d’IA, en particulier les réseaux de neurones profonds, fonctionnent souvent comme des « boîtes noires » dont il est difficile d’expliquer le raisonnement. Cette opacité peut poser problème dans un domaine aussi réglementé et sensible que la santé, où la compréhension des mécanismes d’action est cruciale.
3. Validation expérimentale
Les prédictions de l’IA doivent toujours être validées expérimentalement. Clara Christ de Bayer note que « les composés générés par l’IA sont actuellement encore souvent plus difficiles à fabriquer que les molécules virtuelles que nous concevons avec des approches numériques plus traditionnelles ».
4. Intégration dans les processus existants
L’adoption de l’IA nécessite souvent une refonte des processus de R&D et une formation du personnel, ce qui peut représenter un investissement important pour les entreprises.
5. Considérations éthiques et réglementaires
L’utilisation de l’IA dans le développement de médicaments soulève des questions éthiques, notamment en termes de protection des données des patients et de responsabilité en cas d’erreur. Les cadres réglementaires doivent encore s’adapter à ces nouvelles technologies.
Perspectives d'avenir
Malgré ces défis, l’avenir de l’IA dans la recherche pharmaceutique s’annonce prometteur. On peut s’attendre à :
- Une intégration toujours plus poussée de l’IA à toutes les étapes du processus de R&D
- Le développement de modèles d’IA plus performants et plus spécialisés pour les applications biomédicales
- Une amélioration de l’interprétabilité des algorithmes d’IA
- L’émergence de nouvelles approches combinant IA et autres technologies de pointe (organes sur puce, séquençage à haut débit, etc.)
- Une évolution des cadres réglementaires pour mieux encadrer l’utilisation de l’IA dans le développement de médicaments
Conclusion
L’intelligence artificielle s’impose comme un outil incontournable pour accélérer et optimiser la recherche pharmaceutique. En permettant d’analyser des quantités massives de données, de générer de nouvelles hypothèses et d’automatiser certaines tâches, l’IA promet de réduire considérablement les délais et les coûts de développement des médicaments.
Cependant, il est important de garder à l’esprit que l’IA ne remplacera pas l’expertise humaine, mais viendra plutôt la compléter. Comme le souligne Clara Christ de Bayer, « l’essentiel est de savoir si l’IA nous aide à prendre des décisions plus rapides, mieux informées et de meilleure qualité ».
L’impact réel de l’IA sur l’industrie pharmaceutique ne pourra être pleinement évalué que dans les années à venir, lorsque les premiers médicaments conçus avec l’aide de ces technologies arriveront sur le marché. D’ici là, la course à l’innovation dans ce domaine promet de transformer en profondeur le paysage de la recherche médicale, ouvrant la voie à une nouvelle ère de découvertes thérapeutiques.
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